Les kilomètres sont tout de même longs : je me pose vraiment la question de poursuivre ces brevets tellement je le trouve difficile celui-ci... Habitué pourtant à ces questionnements, j'ai du mal à trouver la motivation ou l'envie de faire tous ces kilomètres, malgré l'expérience... Qu'est-ce que j'en retire ? Quel plaisir j'ai à faire ça ? Pourquoi tout simplement ? On se retrouve, même en groupe, même en bonne compagnie, à des stades où l'esprit cherche des réponses, où on est seul face à soi-même, où on lutte contre ou avec son corps, ou on le supporte, ou on l'aide : dissociation du corps et de l'esprit pour faire qu'ils avancent à deux, qu'ils s'aident l'un l'autre : que l'esprit doit combler les douleurs par des diversions psychologiques : le bavardage, la contemplation du paysage, par le fait de trouver des choses belles et simples qui suffisent à apprécier ce qu'on vit à l'instant T... La présence de Sébastien est importante pour moi, presque salvatrice. je passerais certainement un bien plus mauvais moment sans lui...
Le Lude arrive enfin, Km 334, 3 grosses heures après Vibraye... Il est environ 19h30... 4 ou 5 cyclos sont à prendre un café ou un verre dans une auberge de l'entrée de la commune. On a aperçu leur vélo sur le bord de la route, ce qui nous a fait arrêter nous aussi. Mais nous, on se contente de faire tamponner les carnets, pas de consommations pour nous. On refait juste les pleins des bidons et de poudre énergétique. Il reste 66 km, c'est rien et tellement beaucoup à la fois...
Direction Baugé, Corné... Le soleil décline dans le ciel et la température commence à diminuer à l'ombre de petits bois. Les routes sont tranquilles... On suit les indications GPS du téléphone de Seb. Baugé, jolie bourgade d'Anjou est traversé...
Repause pipi... Et quelle surprise de voir poindre derrière nous Hervé sur son vélo couché !!! Il s'arrête à notre hauteur et je lui lance :
"- Ben qu'est-ce qui t'est arrivé ???
- Et vous ? Pour moi, erreur de parcours, je me suis trompé de route, j'ai fait presque 30km de trop, 15 km aller et retour..."
Contents de le retrouver !! On arbore tous les 3 nos maillots rouge et noir de l'AFV (Association Française de Vélo couché), ce qui fait dire à un cyclo qui arrive juste derrière : "vous faites partie d'un club ?"
Et d'autres cyclos, ceux qui étaient arrêtés au Lude nous dépassent avant de s'arrêter aussi faire pipi alors qu'on repart... Sympa de rouler tous les 3 : j'ai rebranché mes phares et remis mon imperméable pour ne pas avoir froid : ils m'en font baver parce qu'ils roulent plus vite que moi, alors je suis derrière à m'accrocher : Hervé est costaud, comme son palmarès sur les Paris-Brest-Paris le prouve et malgré ses 30 km de rab, Seb est égal à lui-même et moi, j'en bave mais je colle aux roues ou pas très loin.
Les 4 cyclos ne tardent pas à nous rattraper, parmi eux un des cyclos d'Anjou, qui connaît bien la fin du circuit. Et ils emmanchent les salauds !! J'étais déjà à en baver avec hervé et Seb, il a fallu que je me décrasse les cuisses sur ce coup-ci parce qu'on roule aux alentours de 30 km/h sur cette fin de parcours, Angers pointe à 20 km encore et la nuit tombe et on roule à fond...
La route est plus plate heureusement : Sarrigné, Le Plessis-Grammoire, ce sont les communes de l'agglomération d'Angers : on approche... et je me mets devant le groupe pour éclairer la route mieux que leurs petits phares à pile le font. J'essaie de rouler vite, mais je dois bien admettre que j'use mes dernières cartouches : la vitesse baisse à mesure des quelques ronds-points au bout desquels je n'arrive plus à relancer. A l'entrée d'Angers, les 4 vélos droits prennent un autre itinéraire et nous suivons Sébastien par les grands boulevards de son GPS, on passe devant le château, mais sans prendre le temps de l'admirer de nuit... Enfin, je reconnais l'approche du vélodrome : il ne manque plus que les feux ne passent au vert après des longs temps d'attente pour nous libérer enfin...
22h40 : ça y est, au local du club d'Angers où nous attendent un sandwich aux rillettes-cornichons qu'on n'a jamais trouvé aussi délicieux et salvateur, le brevet est terminé pour Hervé et moi... et pour Seb, c'est encore 91km jusqu'à Evron qui l'attendent : c'est un crève-coeur de le laisser partir tout seul comme ça et j'ai mal pour lui... Mais après les 2 heures de sommeil de la nuit dernière pour moi, j'ai hâte de revoir mon lit : j'ai encore la route en voiture à faire et elle sera dure et dangereuse, à lutter contre le sommeil. Quelques SMS d'encouragement à Seb sur la route et je me suis couché, vers 1h00...
Je serai dans le coltard et avec les jambes très raides le lendemain au travail, Seb sera arrivé à Evron à 3h25 avant d'embaucher à 8h, décalqué lui-aussi...
Un brevet à retenir pour moi : un des plus durs que j'ai pu faire, toutes distances confondues. Mais les compagnies successives, Seb, Hervé, les différents groupes cyclos, les Chabirand, organisateurs du brevet, les paysages traversés de notre campagne française, proches et si différents quelques fois rendent ces épreuves incomparables et inoubliables... L'essentiel sur un vélo : la vie quoi ! =)
En quelques chiffres :
Distance : 403.11km
Durée : 16h45 de roulage
Moyenne : 24.05 km/h
V. Max : 66.67 km/h
Cad. moyenne : 80 tr/min
Dénivelée positive : 3605m au compteur
Alti max : 430m environ (pas étalonné au départ)